Le financement de la santé ? Un [quasi]débat pas si simple à comprendre.

« La première chose que je veux faire, moi, c’est désétatiser le système de santé. […] je propose que la Sécurité sociale se concentre sur les risques principaux. […] Et je souhaite que pour […] le petit risque, on aille vers les assurances complémentaires. » ([1])

« L’Assurance-maladie obligatoire et universelle, pilier de la solidarité, doit rester le pivot dans le parcours de soins […] Il n’est donc pas question de toucher à l’Assurance-maladie et encore moins de la privatiser » ([2])

Ces deux citations du candidat François Fillon à la primaire de la Droite et du Centre de novembre 2016, où les assurances complémentaires sont convoquées dans un premier temps avant que l’assurance-maladie obligatoire et universelle ne soit louée dans un second temps, sont plutôt contradictoires ou, à tout le moins, équivoques. Pourtant moins de trois semaines les séparent. Que s’est-il passé entre-temps ? Peu de choses en ce qu’il n’est pas inhabituel d’entendre un homme public revenir sur certaines déclarations au motif qu’il aurait été mal compris. Et en même temps beaucoup de choses car d’un coup, l’assurance-maladie a fait irruption dans le débat public.

Or l’assurance-maladie, c’est le financement des soins et non les soins eux-mêmes. Il a donc été question brièvement – car le soufflet est un peu retombé ensuite – de financement du système de soins. C’est un sujet avec lequel il faut être précis car l’évoquer ne consiste (presque) plus à dénoncer le « trou de la sécu » en levant les yeux au ciel comme on le fit depuis 50 ans. Cela consiste comme ici à discuter des acteurs du financement (régime de base et organismes complémentaires), mais cela aurait pu aussi concerner le choix des outils de financement (cotisation ou impôts) ou même l’usage qu’on en a (par exemple le paiement à l’acte ou les rémunérations alternatives en médecine de ville).

Succès médiatique assuré – au prix du scandale tant réformer la « sécu » convoque une forme d’épouvante –, l’irruption de cette question dans la campagne fut saluée par tous les spécialistes du secteur, habitués à ce que l’assurance-maladie soit un sujet de seconde zone. D’autant qu’en l’espèce, la question du financement convoquait celle de la frontière entre régime de base et assureurs complémentaires. Question lancinante et sous le feu d’une actualité académique toujours plus nourrie, qui conclut que la place des assureurs privés questionne rien moins que les limites de l’État-Providence lui-même.

Sur le financement des soins, la France se distingue par le fait que les assureurs privés occupent un rôle important dans le remboursement des soins (14 % environ) alors même que l’assurance-maladie absorbe les trois-quarts de la dépense et frôle les 80% si l’on ajoute les dépenses directes de l’État. Il en résulte que les ménages français ont un reste à charge parmi les plus faibles de toute l’OCDE ([3]), mais aussi que les assureurs sont portés par une dynamique qui leur est favorable : la part des dépenses qu’ils financent a augmenté de plus d’un point en 15 ans. En revanche, leur rôle n’a, dans son principe, guère changé : ils se bornent à compléter le remboursement de la sécurité sociale. La France est, là encore, un des très rares pays à avoir mis en place un tel dispositif.

Le problème sous-jacent à cette montée en puissance des assureurs maladie complémentaires (AMC) est donc d’ordre politique. Et le problème dans le problème est qu’il est envisagé la plupart du temps sous un angle exclusivement technique. L’objet de notre étude sera de mettre au jour les composantes de l’intervention des AMC pour comprendre ces enjeux politiques et d’envisager les solutions techniques esquissées à ce jour. Le prérequis d’une telle démarche est de comprendre la « tectonique » du système de base qui fonde l’intervention des assureurs privés puisque ceux-ci le complètent.

Les premiers billets de ce blog ont pour objectif de répondre à cette dernière problématique.

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Note :

[1] Citation de François Fillon retranscrite du débat télévisé du 24 novembre 2016 entre les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre, MM. Fillon et Juppé ; cité par Adrien Sénécat, « Les contorsions de François Fillon sur la Sécurité sociale », Le Monde, 13/12/2016, accessible sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/13/les-contorsions-de-francois-fillon-sur-la-securite-sociale_5048370_4355770.html#TkOZiFudrmPBEmT9.99 (retour au texte)

[2] Extrait d’une tribune de F. Fillon, « Ce que je veux pour la sécurité sociale », Le Figaro, 12/12/2016, accessible sur http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/12/12/31001-20161212ARTFIG00258-francois-fillon-ce-que-je-veux-pour-la-securite-sociale.php?redirect_premium (retour au texte)

[3] Source : panorama de la santé 2015, OCDE, accessible sur www.oecd.org/fr/sante/panorama-de-la-sante-19991320.htm (retour au texte)

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