Mettre en place un système d’assurance-maladie revient à concevoir une assurance obligatoire qui couvre les frais de santé de chacun. Le problème est le même dans chaque pays, ce qui varie, ce sont les moyens que ce pays retient pour le résoudre. L’intérêt de l’approche comparée est donc de mettre en relief les déterminants nationaux qui expliquent comment les systèmes se sont construits. Ces déterminants sont chaque fois d’ordre historique, idéologique, institutionnel et socio-économique. En comprenant les enjeux auxquels la puissance publique a dû faire face, il est donc possible de problématiser la construction des systèmes d’assurance-maladie.
Pour cela, il est traditionnel de s’intéresser aux modèles1 allemand et britannique au moment de leur mise en place. Le premier fut fondé par le chancelier Bismarck (1815-1898) entre 1883 et 1889 tandis que le second fut institué en 1948 dans la suite du rapport que Beveridge (1879-1963) de 1942. Leur étude préalable est utile parce qu’elle permet de poser de grands principes d’organisation et de financement en répondant aux questions fondamentales de la protection sociale2 : qui reçoit la prestation ? quels types de prestations ? qui finance le dispositif ? qui le gère ? Elle permet aussi de comprendre l’importance des idiosyncrasies nationales et, par-là, de prendre de la distance avec ces modèles.
Pour comprendre les caractéristiques de la sécurité sociale française, ces deux archétypes devront cependant être enrichis d’éléments historiques et socio-politiques proprement hexagonaux. Car la France est proche, dans sa conception des rapports sociaux, du corporatisme conservateur bismarckien et partage, par ses aspirations universelles, le souci de protéger le plus grand nombre, caractéristique typique de l’universalisme du modèle beveridgien. Ce mélange n’a rien d’une exception française, il est, avec le temps, devenu la règle en Europe.
Avant la création de ces modèles, l’action publique allemande ou britannique n’était pas inexistante mais ne formait pas un tout cohérent. Ces modèles ont proposé une solution globale contre les principaux risques sociaux de leur époque. Il faut entendre ici la maladie et l’accident (notamment liés au travail), l’invalidité et le risque vieillesse. Il fallut attendre les crises du début du 20e siècle pour que l’assurance chômage soit créée puis les ravages de la Grande guerre pour convaincre de mettre en place des politiques familiales (avec, entre autres moyens, les prestations sociales familiales). Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont chacun essaimé en Europe et il est possible – sous réserve de garder à l’esprit que la plupart des pays combinent désormais les deux – de dresser une carte des influences exercées par ces modèles3, que nous détaillerons d’autres articles.
Nbp
- G. Esping-Andersen a montré que cette classification s’est enrichie d’une branche scandinave se greffant sur le tronc commun beveridgien mais apportant une solution originale illustrant des choix politiques et moraux propres ; voir G. Esping-Andersen, Les trois mondes de l’Etat-providence. Essai sur le capitalisme moderne, Paris, PUF (Le lien social), 1999
- Formule empruntée à B. Palier, Gouverner la sécurité sociale, Paris, PUF, 2005
- La carte est tirée du site http://www.protection-sociale-et-moi.eu/FR/02-Europe/europe.asp édité par la CNAM des Pays de Loire dans le cadre du programme DCSTE (Diffusion de la Culture Scientifique, Technique et Économique) financé par l’Union européenne (accédée en avril 2013)